Bienvenue à Baskasetur, le centre culturel basque d’Islande

À Djùpavik, fjord reculé du nord-ouest de l’Islande, dans la région des Westfjords, une ancienne usine de hareng a laissé place au centre culturel basque d’Islande. Il a été inauguré le 20 septembre dernier scellant les destinées de ces deux peuples.

Mise à jour : 17 octobre 2025

Depuis Reykjavik - la capitale -, cinq heures de route sont nécessaires pour gagner Djùpavik, fjord reculé du nord-ouest de l’Islande. Là, dans cet endroit improbable où vivent deux habitants à l’année - 12 en haute saison - vibre désormais l’âme basque, en hommage aux marins partis chasser la baleine. Bienvenue à Baskasetur, le centre culturel basque d’Islande.

Un épisode sanglant

Un lien durable entre les deux peuples est noué. Pourtant, l’histoire avait mal commencé. « Tout repose au départ sur un épisode sanglant, narre Denis Laborde, président de l’association Haizebegi. En 1615, trois baleiniers du Gipuzkoa firent naufrage dans la région de Strandir à la suite d’une tempête. 83 marins survécurent. Mais, 31 furent massacrés par la population locale pour avoir pris du poisson séché. » Un livre narrant le récit a été publié par Haizebegi (Islande, 1615 : Spánverjavígin, Le massacre des Basques, par Jón Guðmundsson, traduit en français par Mathilde Morin. Bayonne, Haizebegi éditions, 2024) et un reportage a été réalisé par France 3 Euskal Herri.

Rongé par la culpabilité, Ólafur Jóhann Engilbertsson, un enfant de la région, a souhaité faire la lumière sur cette histoire. Le bibliothécaire crée l’Association basque islandaise. En 2015, il fait ériger une stèle commémorative dans le village proche d’Hólmavík et fait abolir un décret autorisant les Islandais à… tuer les Basques. Désireux de créer un centre culturel, il découvre par hasard que l’usine de pêche industrielle en déshérence du village désertique de Djùpavik est à vendre. 

Aux côtés de l’Université des Westfjords, son association contacte les chantiers navals d’Albaola et Haizebegi. Ensemble, ils lancent le projet Baskasetur, retenu par la Commission européenne via son programme Europe créative. Elle leur alloue près de 350 000 euros.

« Réveiller l’histoire maritime »  

« Nous avons souhaité réveiller l’histoire maritime qui unit ces deux nations, mais aussi leur quête commune en faveur d’une plus grande reconnaissance institutionnelle, l’attachement à leur langue, des croyances populaires similaires, celle des Sorcières… » Selon Denis Laborde, Baskasetur témoigne aussi de « l’entrepreneuriat basque » du XVe au XVIIe siècle. « Ces entrepreneurs ont affrété des navires, misant sur le savoir-faire des charpentiers. Le tout dans une approche holistique, raconte-t-il. Ces derniers partaient dans les forêts s’inspirer de la forme des arbres pour construire le soubassement du bateau. » Il rappelle aussi le travail des marins pour chasser les cétacés, récupérer leur graisse et la fondre en huile.

Le premier des trois silos réhabilités accueille le musée dédié à cette histoire de la pêche basque. « Les Basques ont longtemps été les seuls à chasser à l’ouest de l’île pour suivre le tracé des baleines ; les Bretons et les Normands privilégiaient la côte est », rembobine l’anthropologue. Les flottilles partaient de Pasaia, avec des équipages mixtes : des capitaines de Bayonne, Biarritz, Saint-Palais. Au début du XVIIe, on comptait près de 90 navires dans ces eaux de l’ouest islandais.  

Dans la pièce trône une réplique de la txalupa construite par Albaola dans le cadre d’un chantier participatif. Dans un autre silo, un espace d’interprétation culturelle est doté d’instruments fabriqués à partir de déchets récupérés avec des écoliers. Des concerts organisés par Haizebegi y ont été donnés. Un centre d’art contemporain complète la proposition artistique. L’histoire ne s’arrête pas là. Des fouilles sont en cours là où les baleiniers ont sombré en 1615. « Les chercheurs espèrent trouver une épave, en tirer des plans. » De leur côté, des chercheurs, dont ceux du centre Iker à Bayonne, travaillent sur les glossaires basco-islandais créés pour faciliter les échanges commerciaux d’alors. « Trois d’entre eux ont été retrouvés à… l’université de Harvard, s’amuse Denis Laborde. Un riche collectionneur américain les avait rachetés à un armateur américain. De quoi conférer une dimension internationale à cette aventure. »