Épisode 2 - Le BRS, un dispositif solidaire pour répondre à la crise du logement

Grâce au Bail Réel Solidaire, des centaines de ménages modestes peuvent accéder à la propriété au Pays Basque. Le système permet aux communes de proposer des logements à des prix attractifs tout en empêchant la spéculation. Un coup de pouce dont a bénéficié Amaia Irigaray qui nous raconte son bonheur d’habiter dans une magnifique ferme réhabilitée à Villefranque, à deux pas du quartier où elle a grandi.

Mise à jour : 1 juillet 2025

Amaia Irigaray est une jeune femme chanceuse, comme elle le dit elle-même. A tout juste 28 ans, elle a pu acheter l’an dernier un appartement flambant neuf de 70m2 avec une vue imprenable sur la montagne basque à Villefranque pour seulement 180 000 euros. C’est presque moitié moins cher que le prix du marché. Comment ? Grâce à un dispositif d’accession sociale à la propriété novateur : le Bail Réel Solidaire.

Un dispositif anti-spéculatif 

Le système n’est pas nouveau en soi. Il existe depuis bientôt 6 ans. Et c’est au cœur du Pays Basque qu’il est né avec l’inauguration, en décembre 2019, de la première opération de logements BRS de France à Espelette. A la différence des dispositifs qui existaient jusqu’alors, le Bail Réel Solidaire prévoit un mécanisme anti-spéculatif. L’acheteur, qui doit respecter un plafond de revenus pour être éligible à cette mesure, n’acquiert en réalité que les murs et loue le terrain à un organisme public qui garde la propriété du foncier. En contrepartie d’un loyer symbolique qu’il verse au gestionnaire, l’acquéreur peut jouir du bien toute sa vie, le bail courant généralement sur une longue période allant de 18 à 99 ans. S’il veut revendre son logement, le propriétaire ne peut céder que la partie qui lui appartient, le bâti, et doit trouver un acheteur qui respecte lui-aussi les plafonds de ressources. La condition s’applique à ses héritiers qui devront revendre leur bien à l’Organisme foncier solidaire s’ils dépassent les seuils. Un système gagnant-gagnant qui permet parallèlement aux communes et bailleurs d’éviter d’alimenter la spéculation immobilière en gardant la main sur leurs terrains.

Une boucle vertueuse infinie

Pour son premier achat, Amaia n’aurait pas pu trouver meilleure solution. En comptant la redevance qu’elle reverse au bailleur social (66 euros mensuels) et son crédit, elle ne paie son logement que 760 euros par mois. « C’est encore moins cher qu’une location ! », se réjouit la jeune maman qui, grâce au BRS, peut continuer d’habiter avec sa fille et son compagnon dans le village où elle a grandi. Lorsqu’elle voudra se séparer de son bien, elle sait qu’elle ne pourra pas faire de plus-value excessive, seulement réimputer le coût de l’inflation et celui des éventuels embellissements. Quelques dizaines de milliers d’euros, tout au plus. « Mais c’est tout à fait normal, on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre ! », estime la primo-accédante qui revendique aussi un geste politique. « Ça crée un cercle vertueux infini. Aujourd’hui, j’en profite mais demain ce seront d’autres jeunes ou moins jeunes d’ici qui, comme nous, n’auraient pas pu avoir cette chance sinon. »

Une production dynamique

Dans la magnifique ferme labourdine rachetée à la commune en 2022 par Habitat Sud Atlantic (le bailleur social de la Communauté Pays Basque) et entièrement réhabilitée, dix autres ménages ont pu faire l'acquisition de leur premier logement. « L’accompagnement de HSA a vraiment été remarquable, tient à souligner Amaia. Ils ont été présents du début à la fin pour nous accompagner dans toutes nos démarches. C’était du tout cuit dans le bec ! » Elle voudrait que ce système « merveilleux » profite au plus grand nombre et montre un autre visage du Pays Basque que « le tout Airbnb ». Appliqué par tous les bailleurs sociaux du territoire, le Bail Réel Solidaire tend aujourd’hui à se généraliser. En 2023, 449 logements ont été commercialisés sous cette forme au Pays Basque. C’est cinq fois plus qu’il y a deux ans. Les seuils maximums de ressources qui permettent d'entrer dans le dispositif sont assez larges. En France, 70% des ménages peuvent y prétendre.

Se loger au Pays Basque, que disent les chiffres ?

L’Observatoire de l’habitat dresse chaque année un bilan du logement au Pays Basque. Il fournit de nombreux chiffres et repères utiles pour suivre l’évolution du marché immobilier et évaluer l’impact des actions menées par la Communauté Pays Basque et ses partenaires dans le cadre du « Programme Local de l’Habitat ». Mais que nous révèle ce rapport ? D’abord que la population basque ne cesse d’augmenter : +1% en moyenne chaque année entre 2015 et 2021, date de la dernière enquête. C’est près de 19 000 habitants de plus en 6 ans. Une progression massive (2 fois plus importante qu’au niveau régional) qui met encore davantage en tension le marché immobilier local. Mais cette évolution profite d’abord aux résidences principales (74% du parc, +1,76% entre 2015 et 2021) plutôt qu’aux habitations secondaires, (20,3 % en 2021 contre 21,2 % en 2015). Parmi les résidents permanents, 58% sont propriétaires occupants, 28% sont locataires ou sous-locataires dans le parc privé et 11% habitent en HLM. C’est cette dernière catégorie qui augmente le plus (+21% entre 2015 et 2021, contre +11% et +10% pour les deux autres familles). Si on regarde le volet production, on observe une forte baisse des permis de construire (2 100 en 2023 contre 3 500 logements autorisés en 2021), notamment dû à l’augmentation des coûts de construction et à la hausse des taux d’emprunt. Malgré un contexte difficile, la production de logements sociaux continue d’augmenter. C’est le cas pour les locations : 592 logements locatifs sociaux ont été agréés en 2023 (577 en 2022 et 511 en 2021) et dirigés massivement vers les ménages les plus défavorisés (PLAI, PLUS). Mais c’est aussi le cas pour l’accession sociale à la propriété, notamment grâce au Bail Réel Solidaire (BRS) : 449 logements vendus en 2023 contre seulement 95 logements en 2021. Si la dynamique concerne surtout les 16 communes soumises à la loi SRU, là où se concentrent le plus de demandes, l’intérieur du Pays Basque en profite lui-aussi et notamment les villes moyennes dont les centres-bourgs sont en pleine revitalisation.