Episode 2 - S’inspirer d’autres modèles de plurilinguisme dans le monde 

Comment protéger nos langues régionales et leur redonner une utilité pratique dans nos vies quotidiennes ? Le journaliste et spécialiste de la question, Michel Feltin-Palas, nous invite à un tour d’horizon des solutions du Pays de Galles, au Canada en passant par l’Afrique du Sud.

Mise à jour : 14 mai 2025

Rédacteur en chef au journal l’Express et spécialiste des questions de plurilinguisme, Michel Feltin-Palas a fait de la sauvegarde des langues régionales l'engagement d’une vie. Pour lui, il y a urgence à agir. « Hormis le basque, toutes les langues minoritaires de métropole perdent des locuteurs et sont condamnées à terme si rien n’est fait pour les soutenir, prédit-il. Or une langue, ça ne sert pas juste à parler, ce sont des créations culturelles de l’humanité, comme nos cathédrales. Elles sont toutes précieuses et méritent toutes d’être défendues ! 

Il existe 7000 langues dans le monde et un peu moins de 200 États. Pour cet ardent défenseur du multilinguisme, « il s’agit juste de copier ce qui se fait ailleurs, très tranquillement », explique-t-il, avant d'égrainer la longue liste des pays qui ont intégré ces pratiques depuis longtemps en Espagne, en Finlande, en Italie, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Suisse, au Luxembourg, en Slovénie, en Afrique du Sud, en Irak, aux Philippines, en Inde…

Le modèle gallois  

Il existe plusieurs modèles de plurilinguisme dans le monde. Certains pays, comme l’Espagne, ont une langue nationale commune tout en reconnaissant la co-officialité de langues régionales à l’échelle locale. D’autres, comme la Suisse, la Belgique ou le Canada, adoptent un fédéralisme linguistique où plusieurs langues sont officielles à l’échelle de l’État. Chaque modèle répond à des réalités historiques et institutionnelles propres. « En actant une co-officialité des langues, c’est toute une société qui se transforme car la langue retrouve une utilité pratique ! », argumente Michel Feltin-Palas. L’auteur prend pour point de comparaison l’évolution respective du breton et du gallois. Il y a 40 ans, ces deux idiomes comptaient chacun près d’un demi-million de pratiquants. « Aujourd’hui, il reste un peu plus de 100 000 locuteurs bretons contre 700 000 gallois. » La raison ? Une politique Outre-Manche favorable au multilinguisme qui reconnait depuis 2011 la co-officialité des deux langues. Au Pays de Galles, l’apprentissage du gallois à l’école est obligatoire jusqu’à 16 ans. « Un pilier majeur pour redynamiser l’usage d’une langue quand on connaît, en plus, les effets bénéfiques du multilinguisme chez les enfants », souligne Michel Feltin-Palas. L’État est aussi tenu de respecter l’équité linguistique en proposant des services publics accessibles dans les deux langues et finance une télévision publique qui diffuse des programmes en gallois 7 jours sur 7. « Tout cela crée des débouchés professionnels pour les locuteurs et fait vivre la langue au quotidien. »  

Une coexistence à imaginer

Dans certaines régions du monde, l’inclusion des langues va encore plus loin, comme au Nouveau Brunswick. Dans cette province canadienne, certaines administrations ont été dédoublées avec, par exemple, des hôpitaux ou des universités uniquement francophones ou anglophones au sein d’une même ville. Un modèle qui garantit l’inclusion des langues au sein des institutions publiques, comme le défendent ses partisans. Mais la coexistence entre les langues n’est pas toujours simple à organiser. L’exemple le plus parlant vient d’Afrique du Sud. Au sortir de l’Apartheid, le pays a reconnu 11 langues officielles différentes. Dans les faits, le choix se fait à la carte au niveau de chaque province, l’État central continuant à fonctionner en anglais, faute de moyens suffisants pour assurer l’effectivité de toutes les langues. Mais bien qu'imparfait, le modèle Sud Africain a tout de même permis de valoriser au niveau local l'usage des langues africaines autochtones, comme le zoulou ou le xhosa. 

« Les Français, dans une écrasante majorité, sont favorables au développement des langues régionales », soutient Michel Feltin-Palas. Bien que difficilement transposable, l'expert voit dans le modèle basque la voie à suivre avec une langue profondément ancrée dans la culture locale, une société civile dynamique et le soutien des élus locaux.

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