Épisode 4 : Avec Couleur Chanvre, le pari d’un linge de maison écologique
À Saint-Jean-de-Luz, l’entreprise Couleur Chanvre incarne une conviction forte : prouver que l’on peut créer du linge de maison à la fois beau, sain et respectueux de la planète. À sa tête, Thierry Bonhomme, entrepreneur passionné, a fait du chanvre une matière d’avenir.
Mise à jour : 15 octobre 2025
Rose des Sables, Bleu du Japon, Terre de Toscane… dans l’atelier luzien de Couleur Chanvre, les coloris aux noms poétiques se déclinent sur les tissus. « Du beau et du sain », sourit Thierry Bonhomme qui s’est lancé un challenge il y a douze ans : développer du linge de maison de qualité à partir de fibre de chanvre. Un défi insolite ? Pas tant que ça quand on connaît le parcours exigeant de cet ancien industriel, esthète, passé par divers métiers et entreprises, souvent en lien avec le bel ouvrage et les savoir-faire d’antan.

Le chanvre : une fibre oubliée
Le déclic s’opère à la lecture d’un livre de l'auteur américain Jack Herer. « Il y expliquait l’histoire du chanvre et le champ des applications possibles. » De l’imprimerie de Gutenberg, aux tableaux de Van Gogh en passant par la corderie royale de Rochefort, le chanvre a longtemps été une matière incontournable. « Je me suis demandé comment on avait pu gommer de notre mémoire collective une plante avec autant de potentiel depuis 900 ans », s'étonne Thierry Bonhomme. Pour l’entrepreneur, « le chanvre coche toutes les cases de l’écologie ». Pas de pesticide, ni de phytosanitaire pour sa production, il est en plus antibactérien, antifongique, thermorégulateur, hypoallergénique… Ses propriétés répondent à des enjeux de santé publique. « L’homme passe un tiers de sa vie au lit. En dormant, les voies respiratoires sont au contact direct du linge. Miser sur le chanvre peut garantir une vie plus saine », affirme-t-il. C’est ce constat qui le pousse à reprendre Couleur Chanvre, alors basée à Lyon, pour en faire une marque dédiée aux belles fibres naturelles, chanvre et lin, associée à un savoir-faire local.
Une production locale et respectueuse
Le fil, acheté en France ou en Europe, est d’abord tissé dans les Vosges. Les pans de tissus sont ensuite acheminés et transformés ici au Pays Basque. « La teinture, l’ennoblissement et la petite confection sur mesure se font dans nos locaux à Saint-Jean-de-Luz et Urrugne. Pas plus de 80 kg par jour. » L’entreprise a développé en interne un procédé unique de teinture et de finition « 0% » : « aucun produit toxique, ni perturbateur endocrinien, ni métaux lourds », explique Thierry Bonhomme. Mis au point par son collaborateur Gilles, fort de 35 ans d’expérience, ce procédé garantit un produit à la fois sain pour le consommateur et respectueux de l’environnement.

Autre atout : ici, les bains de teinture sont chauffés à la vapeur dans de grandes cuves ce qui permet de réduire les consommations d’énergie mais aussi de recycler les rejets d’eau dans les ateliers. « Grâce à ce système, les consommations d’eau et d’énergie sont réduites de moitié par rapport à une teinture classique », souligne le dirigeant. Le linge est ensuite assoupli grâce à une machine performante rappelant les gestes anciens : « un peu à la manière de ce que faisaient nos grands-mères quand elles battaient le linge. » Même l’emballage intègre des matériaux recyclés. A l’avenir, il aimerait aller vers une énergie 100% décarbonée en installant des panneaux photovoltaïques sur le toit de l’atelier.
Relancer une filière en France
Au-delà de son entreprise, Thierry Bonhomme ambitionne de redonner à la filière chanvre textile ses lettres de noblesse. Avec l’association « Chanvre et lin bio » qu’il a créée, il voudrait relancer une production en France. « Aujourd’hui, il ne reste que quatre tisseurs pour la grande largeur en France et trois filateurs en Europe. 80 % des belles fibres partent en Chine et en Éthiopie pour y être transformées. » Son ambition : démontrer que l’on peut créer au Pays Basque, et plus largement en France, une filière durable, locale et innovante. « Le beau et le sain peuvent encore fonctionner, même à l’heure de la fast fashion », conclut-il.
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