Le Musée Basque présente le premier livre imprimé en basque

Le premier livre imprimé en basque est visible au Musée Basque et de l’Histoire de Bayonne jusqu’au 11 janvier. Le prêt exceptionnel de la Bibliothèque Nationale de France permet de découvrir le seul ouvrage connu à ce jour, écrit en Pays de Cize. Tout un symbole.

Mise à jour : 24 octobre 2025

L’émotion saisit le visiteur. Il est là, ouvert, protégé par une vitrine en verre : le premier livre imprimé en euskara : Lingua Vasconum Primitiæ (Les prémices de la langue des Basques), écrit par Bernat Etxepare. Une pièce rare et le seul exemplaire connu à ce jour.

« C’est la première fois que cet ouvrage est visible en Iparralde, là où il a été écrit, précise Audrey Farabos, documentaliste du Musée Basque. Il avait été présenté à l’Eusko Legebiltzarra (Parlement de la Communauté Autonome basque) de Gazteiz en 2011, mais jamais ici. » Et quel plus bel écrin que le musée bayonnais pour accueillir l’ouvrage soigneusement conservé par la Bibliothèque Nationale de France (BnF) dans sa collection de livres rares. L’heureuse conjonction des opérations « Œuvres invitées » du Musée Basque et « Dans les collections de la BnF », visant à sortir les pièces rares hors de Paris, permet cette exposition jusqu’au 11 janvier.

« Une portée scientifique et symbolique »

« L’histoire de l’ouvrage est fascinante », murmure Audrey Farabos. Il a été écrit par Bernat Etxepare, prêtre né à Bussunarits-Sarrasquette, qui, en 1545, était recteur du village de Saint-Michel, en vallée de Cize. Le livre a été imprimé en 1545, à Bordeaux, par un mécène, François Morpain. Ensuite, c’est plus flou. Le parcours jusqu’aux collections de la bibliothèque renferme une part de mystère, mais l’ouvrage porte le sceau de la « bibliothèque royale ». Audrey Farabos s’enthousiasme : « On sait que le livre a appartenu à Louis de Bourbon-Condé, oncle du futur Henri IV. Le livre que vous avez sous les yeux a été conservé tel qu’au XVIème siècle, avec sa reliure originelle ornée sur les plats de ses armoiries. » L’ouvrage a donc une « portée tant scientifique que symbolique. »

La dimension littéraire de l’euskara

Le livre est publié au format in-quarto, « typique du XVIème siècle. » Autre particularité : son titre en latin. « Le latin permettait de diffuser le savoir », précise Audrey Farabos. L’auteur souhaitait indiquer au monde que le basque pouvait s’écrire. « Ainsi, par ces écrits d’il y a plus de 500 ans, l’auteur affirme la dimension littéraire de l’euskara. » L’opuscule de 28 feuillets – lisibles ici en format numérique – est riche de 15 poèmes, de piété, d’amour profane, dont un poème d’éloge des femmes (Emazten fabore). « Il n’était pour autant pas féministe avant l’heure, s’amuse Audrey, car un autre poème est un peu moins dans cette veine. » À la suite du récit versifié de l’incarcération de Dechepare sur ordre du roi de Navarre figurent les deux textes illustres, Kontrapas et la Sautrela, célébrant sur des rythmes de danse, la grandeur de l’euskara. Kontrapas prolonge le propos du texte introductif : « la langue basque est digne autant qu’une autre d’être écrite. » Et imprimée.

À ce jour, on ignore quel fut le tirage de l’édition de 1545. Si l’exemplaire est le seul connu, peut-être l’avenir livrera-t-il une trouvaille dans un grenier basque ou une bibliothèque d’anciens. Pour percer les mystères de cet ouvrage, deux conférences sont proposées, dont l’une avec Jean-Marc Chatelain, directeur de la Réserve des livres rares de la BnF, fin novembre. L’occasion de relater le parcours de ce livre ayant transcendé les siècles et passé les océans. N’est-il pas aujourd’hui traduit dans une dizaine de langues, dont le chinois et le quechua ?