La paille gagne le bâtiment

La crèche Mamurrak sera le premier bâtiment en paille de la Communauté Pays Basque et l’un des premiers du territoire. En Soule, c’est une société de charpenterie de Charritte-de-Bas qui réalise l’ossature bois et s’attelle au remplissage de la paille, un isolant bio-sourcé. Démonstration.

Publié le 21-10-2022

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Au sein de la société de charpenterie Hourcade à Charritte-de-Bas, ça sent bon le bois et la paille. Des ouvriers, dont de jeunes Compagnons du Tour de France, s’activent à travailler ces matériaux, l’un noble et connu, l’autre moins utilisé mais qui gagne à l’être : la paille.

Quatre des dix-sept salariés de la société s’activent à réaliser l’ossature bois et le remplissage paille des murs de la future crèche Mamurrak, à Espelette, une opération portée par la Communauté Pays Basque. « Ce sera le premier Établissement Recevant du Public (ERP) paille à recevoir du public à l’échelle de notre territoire », précise Frédéric Camou, chargé d’opération.

Pourquoi la paille ? « Ce matériau permet une bonne isolation thermique, emmagasine moins de chaleur qu’un autre isolant. Il satisfait en outre à la nouvelle règlementation environnementale qui prend en compte le contenu carbone des matériaux, précise le technicien. De plus, il est très avantageux en matière d’isolation phonique ». Idéal pour une crèche.      

Un savoir-faire artisanal

L’heure est donc au travail sur l’ossature en bois et au remplissage, à l’aide de la paille, des caissons qui constituent les murs de la future crèche. Ce savoir-faire artisanal, l’entreprise l’avait rodé il y a dix ans sur un Esat béarnais de 1 500m², conférant depuis à la société une qualification paille. Aujourd’hui, elle répond aux exigences de la Communauté Pays Basque, soucieuse de tester de procédés permettant à ses futurs bâtiments de réduire leurs consommations énergétiques.

Depuis Charritte-de-Bas, les ouvriers doivent isoler plus de 100m² de mur de la future crèche avec de la paille. « Nous achetons les bottes déjà compressées - l’équivalent d’un semi-remorque - et nous travaillons à remplir l’ossature bois. La fabrication et le montage se font au sein de notre atelier souletin, comme le montage de la toiture. L’enveloppe est conçue comme un lego qui va être assemblé. Le levage se fera ensuite sur un chantier à Espelette, chez l’entreprise partenaire », indique le charpentier.

Pour permettre ce remplissage, les caissons en bois et les ossatures doivent faire au minimum 360 mm d’épaisseur. « C’est la largeur nécessaire pour obtenir par exemple une équivalence de 145 mm de laine de roche », précise Patrick Hourcade.

Ici, les ouvriers « apprécient de travailler la paille ». Une ressource qu’ils disent « illimitée » et écologique. La paille est un isolant bio-sourcé à l’impact carbone faible.  Non transformée, la botte de paille est l’isolant à la plus faible « énergie grise » nécessitant une faible transformation, un transport réduit. En effet, sa provenance est locale - Pampelune, Pyrénées-Atlantiques, Vendée - alors que son équivalent en laine de verre ou de roche nécessite de s’approvisionner en Italie. Et il se composte en fin de vie. En outre, comme le bois, c’est un véritable « puits de carbone » qui absorbe et stocke le CO2. 

Des techniques d’avenir

Recourir à cette technique d’isolation est novateur selon Laure-Marie Lebleu, de l’agence d’architecture ACTA. « Dans ce chantier de la crèche Mamurrak, ce qui est intéressant, c’est de sortir des sentiers battus et de revenir en même temps à des savoir-faire ancestraux. ». En effet, en plus de l’utilisation de la paille, les ouvriers recourent aux briques de terre crue, à l’enduit de terre. 

Si le recours à la paille reste encore peu développé, il séduit toujours plus de maîtres d’ouvrages soucieux d’atteindre un haut niveau de performance énergétique, associé à une approche bas-carbone du bâtiment. 

C’est le cas de la Communauté Pays Basque qui utilisera ce matériau pour l’extension de son pôle petite enfance Espace Xitoak à Saint-Pierre d’Irube, ou son futur pôle Économie Sociale et Solidaire (ESS) à Bayonne. Maitena Curutchet, conseillère déléguée Économie sociale et solidaire - Économie circulaire, trouve particulièrement intéressant que la Communauté Pays Basque s’attache à développer ces savoir-faire qui « pourraient demain servir à développer de nouvelles filières ».

Le saviez-vous ?

La construction paille

10 % de la paille de blé produite annuellement en France suffirait pour isoler l’ensemble des nouveaux bâtiments construits chaque année. La paille est un atout pour satisfaire à la nouvelle règlementation environnementale (RE2020) qui prend en compte le contenu carbone des matériaux d’un projet. La construction paille en France représente plus de 5000 bâtiments, 500 nouveaux chaque année. En Pays basque, quatre maisons individuelles ont été construites à l’aide de paille à Idaux-Mendy, Lahonce, Mouguerre et Villefranque. Il s’agit d’auto-constructions. Le projet Mamurrak est le premier pour un établissement recevant du public. 

Une crèche exemplaire

La crèche Mamurrak sera située à Espelette, en lieu et place de l’existante aménagée dans l’ancien presbytère. L’opération de rénovation est lauréate de l‘Appel à Projets « Bâtiment du Futur » porté par la Région Nouvelle-Aquitaine, qui incite les maîtres d’ouvrage à atteindre un haut niveau de performance énergétique, associé à une approche bas carbone du bâtiment, tout en stimulant l’innovation et la montée en compétence de la filière locale du bâtiment. Mur à inertie en briques de terre crue, brises soleil orientables, puit canadien, ballon thermodynamique…, permettront de réduire les consommations énergétiques du bâtiment.

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